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Taïwan : la Chine menace à nouveau l’île

Taïwan : la Chine menace à nouveau l’île

Taïwan : la Chine menace à nouveau l’île

Lundi 14 octobre, Taïwan a de nouveau été concernée par des manœuvres militaires chinoises. 125 avions, ainsi que des navires de guerre, auraient été repérés autour de l’île en une seule journée, ce qui constituerait un record. Selon la Chine, il s’agit d’un « avertissement » lancé aux « séparatistes » taïwanais. Face à cette démonstration militaire chinoise, le ministère de la Défense taïwanais a assuré déployer « les forces adéquates pour réagir de manière appropriée dans le but de protéger la liberté et la démocratie, ainsi que pour défendre la souveraineté. ». Ces nouvelles tensions en mer de Chine méridionale peuvent-elles faire craindre une guerre ?

La Chine et Taïwan : des tensions historiques

Revenons brièvement sur l’histoire des relations entre la Chine et Taïwan depuis 1949.

Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine est proclamée par Mao Zedong, qui instaure un régime communiste. Ce régime naît après une guerre civile débutée en 1927, qui a vu s’opposer le Parti Communiste Chinois au Kuomintang, parti nationaliste qui dirigeait alors le pays. En décembre 1949, le leader du Kuomintang, Tchang Kaï-Chek, ainsi qu’environ 2 millions de ses partisans, s’installent à Taïwan pour fuir le régime communiste. Le Kuomintang dirige alors l’île jusqu’en 2000, même si le pouvoir est moins fort, et plus démocratique, à partir des années 1980. Taïwan a donc été dirigé par les opposants directs du régime communiste chinois jusqu’en 2000. Entre 2008 et 2016, le Kuomintang revient au pouvoir à Taïwan, et se rapproche de la Chine. A partir de 2016, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen décide de s’opposer à un rapprochement avec le continent.

Selon Pékin, Taïwan appartient à la Chine, et doit donc être rattachée au territoire chinois. C’est la politique de la « Chine unique », à laquelle s’opposait très fermement l’ancienne présidente taïwanaise Tsai Ing-wen. William Lai, qui lui a succédé, s’oppose aussi au rattachement de Taïwan à la Chine. Ces positions cristallise les tensions entre le géant chinois et l’île. Mais les enjeux vont au-delà des aspects historiques et idéologiques.

Contrôler Taïwan : des enjeux diplomatiques, économiques et militaires

Au niveau des alliances, la plupart des territoires bordant la mer de Chine méridionale sont des alliés des Etats-Unis, y compris Taïwan, ce qui bloque la Chine dans ses ambitions de contrôle total de cette mer. Le contrôle de la mer de Chine méridionale pourrait permettre à la Chine de mener plus secrètement des exercices notamment avec leurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. En effet, actuellement, les exercices menés près de Taïwan sont facilement repérés, car la mer est peu profonde. Pour la Chine, le contrôle de Taïwan pourrait permettre d’accéder directement à des fonds plus profonds, sur la côte orientale avec beaucoup plus de discrétion. Le contrôle de Taïwan est aussi important pour la Chine, qui pourrait étendre sa zone économique exclusive (ZEE), et donc imposer des restrictions sur la navigation marchande, ce qui est un fort moyen de pression économique et diplomatique. D’un point de vue économique et industriel, contrôler Taïwan, donne à la Chine le pouvoir de de prendre la main sur l’industrie des semi-conducteurs, puisque l’île produit 63% de ces éléments nécessaires à la fabrication de tous les objets électroniques.

Pour tous les enjeux évoqués précédemment, les tensions sont fortes entre la Chine et Taïwan. Puisque la Chine souhaite conquérir Taïwan, y compris en employant la force, elle mène des opérations militaires, qui s’apparentent à des démonstrations de force, pour que la crainte de la guerre règne toujours sur l’île. En mer de Chine, Pékin militarise aussi des îles. Les opérations militaires autour de Taïwan semblent de plus en plus importantes, de plus en plus fréquentes, et font les gros titres de la presse. C’est exactement ce que recherche la Chine, connaître les positions des différentes puissances mondiales sur la question taïwanaise.

L’affrontement : un scénario sérieusement envisagé

La Chine souhaite récupérer Taïwan, y compris par la force. Elle l’a rappelée lundi après les opérations militaires de grande ampleur menées autour de l’île, elle ne renoncera « jamais » à un « recours à la force ». Ainsi, le scénario d’un affrontement entre le deux Etats est clairement envisagé, si bien que l’expression de « poudrière » est parfois utilisée pour évoquer la mer de Chine méridionale.

Au fil des opérations militaires menées par la Chine autour de Taïwan, les réactions internationales donnent un aperçu potentiel de participation si la guerre venait à exploser. Du 8 au 10 avril 2023, après une rencontre entre la présidente taïwanaise et le président de la chambre des représentants américain, la Chine a mené des opérations militaires autour de l’île, en déployant plus de 90 avions. Après cette démonstration militaire, Dimitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe, a apporté son soutien à la Chine. Les Etats-Unis, eux, ont appelé à la « retenue », tout en provoquant la Chine, en déployant un navire de guerre en mer de Chine méridionale. Le Japon, lui, a soutenu Taïwan en déployant des avions de chasse. Emmanuel Macron, qui revenait de visite officielle en Chine, a tenu une position ambigüe. Globalement, la position officielle de la France n’est pas claire, puisqu’en 1994, elle s’était positionnée en affirmant que Taïwan était « une partie intégrante du territoire chinois ». Aujourd’hui, les communications officielles françaises font toujours mention de la politique « d’une seule Chine », et la France ne reconnaît pas Taïwan.

Du côté des pays moins importants diplomatiquement et militairement, beaucoup d’anciens alliés de l’île ne le sont désormais plus. De 21 alliés officiels en 2016, il n’en restait plus que 14 en janvier. Souvent, les pays concernés acceptent de ne plus être alliés à Taïwan, en échange d’investissements chinois. C’est par exemple ce qu’il s’est passé avec les Îles Salomon en 2019. La Chine essaie donc d’isoler, au moins diplomatiquement, Taïwan, grâce à ses investissements.

Ainsi, des alliances, dont certaines non officielles, semblent se dessiner autour de la Chine, et autour de Taïwan. Il reste cependant de nombreuses zones d’ombres, puisque des Etats, comme la France, tiennent des positions ambigües.

Une guerre pourrait-elle avoir lieu très prochainement ?

A chaque fois que la Chine mène des opérations militaires relatives à Taïwan, la même question se pose : celle de la guerre.

Actuellement, l’Europe et les Etats-Unis sont impliqués, indirectement, dans les guerres en Ukraine et au Proche-Orient. Ainsi, il serait aujourd’hui impossible de développer des moyens militaires pour aider Taïwan. Parallèlement, la Russie, potentielle alliée de la Chine, s’enlise depuis février 2022 dans la guerre qu’elle mène en Ukraine. Ainsi, au niveau des alliés, la situation ne semble pas favorable à la Chine, mais pas non plus à Taïwan, qui serait encore plus dans le besoin compte tenu de sa puissance militaire largement inférieure à celle de la Chine.

La Chine semble certes très menaçante, mais on ne peut pas pour autant déterminer quand elle pourrait attaquer. Dans son objectif de conquérir Taïwan, il est probable qu’elle passe par la force, mais il se peut aussi qu’elle soutienne le parti taïwanais Kuomintang, l’adversaire du parti communiste chinois d’autrefois, aujourd’hui favorable au rattachement de Taïwan à la Chine. Ce parti est très influent à Taïwan, presque autant que le parti démocrate progressiste, qui dirige l’île et soutient l’indépendance taïwanaise. Ainsi, même si la Chine se fixe comme objectif de prendre Taïwan, on ne peut pas déterminer si cela se fera de force, ni quand cela pourrait se faire.

Ainsi, actuellement, la Chine ne semble pas dans la posture la plus favorable pour attaquer, mais les alliés de Taïwan sont aussi indirectement impliqués dans d’autres conflits. Quoi qu’il en soit, rien ne nous indique clairement que la Chine va décider d’attaquer Taïwan prochainement.