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Le cinéaste, Jean-Jacques Beineix est mort à 75 ans

Le cinéaste, Jean-Jacques Beineix est mort à 75 ans

Le réalisateur Jean-Jacques Beineix, auteur du film culte 37°2 le matin, s’est éteint jeudi 13 janvier à l’âge de 75 ans, après avoir longtemps lutté contre une maladie, a annoncé son frère Jean-Claude ce vendredi à l’Agence France-Presse.

Ce jeudi, un an après Jean-Pierre Bacri, un grand homme de la culture française nous a quittés. Il a marqué les années 80 avec des films cultes comme Diva, qui l’a révélé au grand public, ou encore 37°2 le matin, le plus grand succès de Jean-Jacques Beineix. Selon des proches, La Wally de Catalani résonnera dans l’église où aura lieu son enterrement. Il laisse, derrière lui, une poignée de films au fil d’une carrière chaotique, faite de très hauts et de très bas.

Courte carrière entre succès et échecs

Jean-Jacques Beineix conduisait vite et adroitement, un atout pour se rendre utile sur un tournage. Il estimait que cette qualité lui avait permis de gravir les échelons dans le cinéma, de passer d’assistant, notamment de Claude Zidi, à réalisateur à succès. Il le raconte dans Les Chantiers de la gloire, son mémoire. Le titre explicite le mélange d’orgueil et de frustration d’un cinéaste à l’ascension fulgurante, à la chute tout aussi vertigineuse, et à la réputation ombrageuse.

Né le 8 octobre 1946 à Paris, Jean-Jacques Beineix entame des études de médecine avant de préparer la prestigieuse école de cinéma Idhec (aujourd’hui Femis), qu’il rate de peu. Ses premiers projets l’amènent à la publicité. Il réalisera notamment le spot antisida multidiffusé Il ne passera pas par moi. Après plusieurs projets, il décide de quitter le milieu. « C’est bien de mettre son talent au service de causes », et la publicité, « ce n’était pas des causes », expliquera-t-il.

En 1980, il se fait connaître du grand public avec son premier film Diva. Il y fait tourné un postier fou d’opéra avec Richard Bohringer. Diva n’attire d’abord pas les foules mais, à cette époque, un film peut rester des semaines à l’affiche. Le bouche à oreille s’installe. Le chroniqueur Jean-Michel Gravier lui consacre tellement d’articles se terminant par la litanie « Diva, Diva, Diva ! » qu’il finit par rafler une moisson de César.

« Un cran, un style, une méthode »

Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes

L’esthétisme et la poésie du cinéaste ont aussi marqué le cinéma français, avec des films comme La lune dans le caniveau, sorti en 1983. Sur le plateau, Depardieu siffle de la vodka en douce et Nastassja Kinski refuse de l’embrasser à l’écran.

Mais son plus grand succès est assurément le cultissime 37°2 le matin, sorti en 1986, dans lequel il révèle Béatrice Dalle, qui tient son premier rôle au cinéma, et Jean-Hugues Anglade. Se déroulant à Gruissan, dans l’Aude, l’équipe de tournage avait choisi ce quartier de chalets de plage, devenus mythiques et bénéficiant d’un attrait touristique depuis. Ces chalets sont posés face à des kilomètres de sable fin comme décor pour la passion destructrice d’un des couples mythiques du cinéma français. Nommé à neuf reprises aux César, 37°2 le matin fut nommé à l’Oscar du meilleur film étranger. Le film a été vu par 3,6 millions de spectateurs en salles et a depuis accédé au statut de film culte.

Après le succès, s’ensuivront plusieurs films, souvent des échecs, dont Roselyne et les lions ou encore IP5 (L’île aux pachydermes). Dans ce dernier, il offre son ultime rôle à Yves Montand, en 1992.

La grande diversification

En 2001, après neuf ans d’absence, il revient avec Mortel Transfert, un échec critique et commercial complet. Il déclare, d’ailleurs, que ce film l’endette fortement. Le cinéaste se passionne alors pour Loft Story, l’émission de téléréalité. Il tentera d’analyser le phénomène dans un documentaire, genre vers lequel il se réfugie, faute de pouvoir ou de vouloir tourner des fictions. Mortel Transfert sera donc le dernier de ses six longs-métrages, suivi de documentaires pour la télévision (Les Enfants de Roumanie, Place Clichy sans complexes…), sous la bannière de sa société de production, Cargos Films, montrant son intérêt pour l’histoire et l’ailleurs.

Beinex pouvait également avoir plusieurs cordes à son arc : écrivain, scénariste, producteur ou encore dialoguiste. En 2004 et 2006, il publie deux tomes d’une bande dessinée intitulée L’Affaire du siècle. Cette même dernière année, il participe à l’écriture de ses mémoires, pour lesquels il dit rédiger des textes depuis son enfance. En 2015, il se tourne brièvement vers les planches pour mettre en scène la pièce musicale et autobiographique Kiki de Montparnasse. Fin 2016, Jean-Jacques Beineix avait également aussi le jury du 29e festival international du film de Tokyo.

« Zorg et Betty sont orphelins »

Béatrice Dalle, actrice ayant incarnait le personnage de Betty dans 37°2 le matin

« Zorg et Betty sont orphelins », a réagi sur Instagram Béatrice Dalle, se souvenant du tournage comme l’une « des plus belles pages de ma vie ». « Je t’aime », a-t-elle écrit à l’intention du réalisateur disparu. L’actrice Romane Bohringer, dont le père, Richard, avait obtenu l’un de ses premiers rôles de cinéma dans Diva, a elle aussi voulu dire « merci » au réalisateur : « Ce film a de fait changé nos vies et marqué mon enfance. J’en garde un souvenir ébloui. » Beineix avait « un cran, un style, une méthode, la grandiose assurance des entêtés », a salué l’ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob.

Christophe Comte, journaliste

Signe de l’éclectisme de Jean-Jacques Beineix, la réalisatrice et ancienne actrice X devenue militante féministe, Ovidie, s’est dite très « attristée » par la mort de celui qui l’avait « mise sur les rails » en produisant son premier documentaire, avant qu’ils ne se brouillent.

« J’ai énormément de peine parce que c’est quelqu’un avec qui j’ai travaillé. Franchement, c’est dur. »

Dominique Besnehard, ancien directeur de casting

Pour certains, Beineix restera le réalisateur de Diva (1981), puis de La Lune dans le caniveau (1983), qui l’ont fait connaître. Lui se rappelait surtout avoir été insulté à Cannes pour ce dernier film. Mais la plupart retiendront 37°2 le matin, adaptation du roman de Philippe Djian.

En 2020, le septuagénaire avait surpris son public en dévoilant le mélancolique Toboggan aux éditions Michel Lafon. Un livre quasiment philosophique sur le temps qui passe, la solitude, l’enfance et le sens de la vie. La dernière trace de son imaginaire débordant laissé au monde. Adieu l’artiste !