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Guerre en Ukraine : vers une incursion majeure en direction de Kharkiv ?

Guerre en Ukraine : vers une incursion majeure en direction de Kharkiv ?

Depuis le 10 mai, l’armée russe a lancé un assaut contre la deuxième ville la plus peuplée d’Ukraine. Moscou se félicite d’une avancée « en profondeur », alors que les forces ukrainiennes sont en grande difficulté.

La région de Kharkiv subit de lourdes frappes aériennes depuis le 10 mai, alors que l’incursion russe continue de progresser. L’armée ukrainienne a même annoncé devoir se replier afin de « sauver ses soldats ». Bien que ce ne soit pas une surprise pour les renseignements ukrainiens et américains, c’est la rapidité des forces russes à percer les défenses ukrainiennes qui étonne. La Russie est-elle sur le point de réaliser une percée significative ?

Que se passe-t-il dans la région de Kharkiv ?

Relativement épargnée depuis le début de l’invasion par la Russie en février 2022, la région de Kharkiv et ses plus de 2,6 millions d’habitants sont désormais sous les bombardements russes. Les forces armées de Vladimir Poutine ont lancé une offensive militaire le 10 mai dans deux zones.

La première se situe entre le réservoir d’eau Trav’yans’ke et le village frontalier de Zelene. La seconde zone, également conquise par les forces russes, se trouve entre les villages de Ternova et Chaikivka, toujours à la frontière avec la Russie et dans l’oblast de Kharkiv. Au 15 mai, Moscou déclare avoir « libéré » une dizaine de villages, dont récemment Lukiantsi et Hlyboke, habités par des milliers de personnes. Le président russe se félicite des avancées russes « sur tous les fronts ».

8 000 personnes ont dû être évacuées de ces zones, où des « combats intenses » ont lieu, comme le rapporte l’État-major ukrainien dans les localités de Slobozhanske, Vovchansk ou encore Starytsa. L’armée de Volodymyr Zelensky admet se replier « en direction de positions plus favorables afin de sauver les vies de nos soldats ».

Pendant ce temps, l’aviation russe a frappé plus d’une trentaine de localités ukrainiennes, dont Schevchenkivsky dans le district de Kharkiv. À proximité, le 14 mai, le chef de l’administration militaire régionale a annoncé la mort d’une personne et quatre blessés à Korotych. Kharkiv, la deuxième ville du pays avec 1,4 million d’habitants, bénéficie désormais d’une défense anti-aérienne pour faire face à ces bombardements.

Comment expliquer l’avancée si rapide de l’armée russe ?

Au total, 30 000 hommes des forces armées russes sont concentrés dans cette zone. La plupart viennent des fronts des régions de Lougansk, Donetsk ou encore de Kherson, là où l’armée de Vladimir Poutine peine à avancer. Désormais dans l’oblast de Kharkiv, les forces russes déclarent avoir capturé plus de 280 km² de « territoire ennemi ». Cette avancée rapide surprend, en effet. Auparavant, les Russes ne réussissaient qu’à prendre un ou deux km² en plusieurs mois au prix de lourdes pertes dans leurs rangs. Ce rythme de progression de l’armée russe dans la région de Kharkiv n’avait jamais été vu depuis le début de la guerre en 2022.

La première explication de cette avancée est le nombre de combattants russes, estimé à 30 000 selon l’Institut pour l’étude de la guerre. Ce chiffre pourrait augmenter grâce aux réservistes, face à plusieurs dizaines de milliers de soldats ukrainiens. La deuxième explication réside dans le manque de ressources matérielles côté ukrainien. 

Les forces russes bénéficient de munitions et d’équipements fournis par la Corée du Nord et l’Iran, ainsi que de composants chinois. En revanche, du côté ukrainien, il est difficile de suivre le rythme. L’armée de Volodymyr Zelensky signale depuis plusieurs mois un manque de munitions. Selon les chiffres communiqués par l’Ukraine, cette dernière tire 10 000 obus d’artillerie par jour, contre jusqu’à 60 000 obus et roquettes quotidiens pour les Russes. 

L’Ukraine vit désormais sous perfusion occidentale, qui s’avère vitale pour l’armée ukrainienne. En visite surprise à Kiev le mardi 14 mai, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a déclaré que « l’aide est en route, une partie est déjà arrivée, une autre arrivera. Et cela fera une réelle différence sur le champ de bataille ».

Les Européens ont promis de fournir des avions de chasse F-16 à l’Ukraine, livrés par les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège et la Grèce, dans les mois à venir. L’Union européenne a décidé d’augmenter ce fonds de 5,5 milliards d’euros pour soutenir l’Ukraine en 2024, en complément des 6,1 milliards d’euros déjà alloués précédemment.

Ce que cherche Poutine

Toujours d’après l’Institut pour l’étude de la guerre, le but de Moscou n’est « pas d’encercler la grande ville de Kharkiv et de s’en emparer ». L’objectif ici n’est pas non plus de mener une « opération offensive de grande envergure ». Il s’agit d’une tentative de diversion de la part des forces armées russes, c’est-à-dire ouvrir un nouveau front, là où peu de soldats ukrainiens sont présents afin d’attirer les forces de Volodymyr Zelensky sur « d’autres secteurs critiques du front ». 

Cette méthode d’une percée rapide a permis à la Russie de réaliser des « gains tactiques significatifs », juste avant l’arrivée de l’aide occidentale. Poutine envisagerait la création d’une « zone tampon » ; les Russes chercheraient à éviter des incursions ukrainiennes vers les régions frontalières occidentales de la Russie.

D’autant que Kharkiv se trouve à seulement 70 kilomètres de Belgorod, une autre ville de 300 000 Russes souvent frappée par l’armée ukrainienne. Encore récemment, le 13 mai, une frappe de missile attribuée à l’Ukraine a fait 15 morts et une vingtaine de blessés dans l’effondrement d’un immeuble résidentiel au sein de Belgorod. Le Kremlin lui-même veut sécuriser ce secteur et mettre un terme aux attaques croissantes des forces ukrainiennes. En menant cette incursion, Poutine veut mettre une pression constante sur Kharkiv, et les forces qui s’y trouvent.