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Éruption volcanique au Tonga : Un impact sur notre climat ?

Éruption volcanique au Tonga : Un impact sur notre climat ?

Tout comme l’onde de choc qu’elle a générée, l’éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’Apai a fait le tour du monde. De par son ampleur, les dégâts causés et ses manifestations d’ordre planétaire, l’éruption est référencée comme une grosse éruption de la première partie du XXIe siècle. Plusieurs jours après la catastrophe, des experts estiment qu’elle ne devrait pas avoir un effet de refroidissement temporaire sur le climat mondial, mais pourrait avoir un effet à court terme.

Le bilan se dessine et il est assez lourd. Environ 84 000 personnes, soit plus de 80% de la population des îles Tonga, ont été affectées par l’éruption du volcan Tonga-Hunga Ha’apai et le tsunami qui a suivi. L’ONU a également précisé que des évacuations d’îles particulièrement touchées étaient encore en cours.

« Toutes les maisons ont apparemment été détruites sur l’île de Mango et il ne reste que deux maisons sur l’île de Fonoifua tandis que des dégâts importants ont été signalés à Nomuka »

Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU à New-York

L’explosion a entraîné la rupture du câble de communications reliant l’archipel au réseau internet. Les Tonga sont quasiment coupées du monde. Il faudra des semaines ou des mois d’analyse des données aux scientifiques pour comprendre les secrets de cette éruption qui a surpris le monde entier.

L’éruption volcanique, entendue jusqu’en Alaska (Etats-Unis), situé à plus de 9 000 km de là, a été la plus importante enregistrée depuis des décennies. Un énorme champignon de fumée de 30 km de hauteur, a dispersé cendres, gaz et pluies acides sur les 170 îles que compte l’archipel.

https://twitter.com/thenaturefocus/status/1484094360912539657?t=6W8Ho5Rl0tVcVYjVHsOANg&s=19

Pas de répercussions climatiques à long terme ?

Une éruption volcanique est, par définition, un phénomène naturel impressionnant. Mais d’une éruption de faible ampleur, comme celle du Piton de la Fournaise à La Réunion, à une éruption pouvant engendrer des perturbations climatiques mondiales, il y a une certaine distinction d’explosivité. Si des conséquences sociales et économiques sont à prévoir, les scientifiques considère que l’explosion du volcan Hunga n’aura très probablement pas d’effet de refroidissement temporaire sur le climat mondial. Autrement dit, elle ne devrait pas avoir de répercussions sur le long terme. Mais sur le court terme, il n’est pas à exclure qu’elle bouleverse les conditions météorologiques dans certaines parties du monde.

« L’onde de choc produite par l’explosion, ainsi que la nature inhabituelle des tsunamis qu’elle a générés, inciteront les scientifiques à étudier l’événement pendant des années. Des tsunamis ont été détectés non seulement dans le Pacifique, mais aussi dans l’Atlantique, les Caraïbes et la Méditerranée. »

New York Times

L’éruption du mont Pinatubo aux Philippines en juin 1991 a eu pour conséquence de refroidir l’atmosphère d’environ un demi-degré Celsius durant plusieurs années. Le Pinatubo est entré en éruption sur plusieurs jours, envoyant environ 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre gazeux dans la stratosphère ou la haute atmosphère.

Valérie Masson-Delmotte, Scientifique et membre du Giec

A titre de comparaison, l’éruption de Hunga a été plus courte puisqu’elle n’a duré que dix minutes. Mais dans le cas de l’éruption aux Tonga, la quantité de dioxyde de soufre (un gaz qui se combine à l’eau dans l’atmosphère pour former des micro-gouttelettes d’acide sulfurique) émis a été estimée à 400.000 tonnes. Cet aérosol constitue une sorte de voile qui réfléchit une partie du rayonnement solaire, ce qui peut modifier le climat si ces quantités de gaz sont importantes. Les éruptions du Krakatau en 1883 et du Pinatubo en 1991 ont par exemple été associées à des perturbations climatiques pendant quelques mois ou années.

« Mais la quantité de SO2 libérée est beaucoup, beaucoup plus petite que le mont Pinatubo », a déclaré Michael Manga, professeur de sciences de la terre à l’Université de Californie à Berkeley. En résumé, sans reprise de l’éruption de Hunga à un niveau aussi fort (considéré comme peu probable), elle n’aura pas d’effet de refroidissement global. Cependant, la puissance de l’éruption au Tonga est similaire à celle des Philippines. Cette puissance est notamment due à son emplacement, à environ 150 mètres sous la surface de l’eau.

« Pour qu’il y ait un effet à long terme sur l’atmosphère, l’éruption d’un volcan doit être importante, durer dans le temps, et elle doit également se produire dans la région tropicale de la planète. »

Responsable du groupe de recherche USACH Antarctique
Un avion P-3K2 Orion survole une zone des Tonga qui montre la lourde chute de cendres de la récente éruption volcanique dans les îles Tonga. L’équipage du 5e Escadron travaille à bord tout en survolant pour fournir des informations vitales à renvoyer au MFAT et à divers autres organismes gouvernementaux.

Une éruption exceptionnelle

Le VAAC de Wellington (centre d’information des émissions de cendres dans ce secteur du globe) a affirmé que la colonne éruptive du 15 janvier avait atteint environ 30 kilomètres d’altitude. Certaines données satellitaires ont même avançées une altitude maximum de 35 kilomètres, comparable aux 34 kilomètres du paroxysme de l’éruption du Pinatubo aux Philippines, le 15 juin 1991. L’ombrelle formée par l’étalement du panache dans la stratosphère dont le diamètre atteint, par ailleurs, environ 500 kilomètres pour ces deux éruptions. De plus, James Garvin, scientifique à la Nasa, a ainsi estimé que l’explosion du 15 janvier 2022 avait libéré une énergie équivalente à 10 mégatonnes, l’équivalent de 500 bombes d’Hiroshima. Ainsi, si à l’échelle humaine, il s’agit d’un événement important, à l’échelle de la planète, il l’est beaucoup moins.

Le panache atmosphérique de l’éruption volcanique dans la nation pacifique des Tonga est photographié depuis la Station spatiale internationale alors qu’il orbitait à 433 km au-dessus de l’océan Pacifique au nord-ouest d’ Auckland, en Nouvelle-Zélande.

Mais les quelques centimètres de cendres retombées sur l’archipel des Tonga sont incomparables à l’obscurité totale dans laquelle s’est retrouvée une bonne partie de l’île de Luçon en plein jour lors de l’éruption du Pinatubo. Le peu de cendres liées à cette activité, relativement à la hauteur importante du panache éruptif, s’explique par le mécanisme à l’œuvre au niveau de la bouche éruptive (étant sous l’eau, le contact entre la lave et l’eau de mer engendre la vaporisation d’une grande quantité de vapeur d’eau). En somme, les éruptions volcaniques sous une faible profondeur d’eau sont compliquées par l’eau de mer qui les rend plus explosives.

« En se concentrant uniquement sur les effets associés aux cendres et à la poussière, ceux-ci sont principalement locaux, produisant un refroidissement autour de la zone d’éruption, car ils empêchent la lumière du soleil d’atteindre la surface [comme le dioxyde de souffre], bien qu’ils aient tendance à tomber rapidement. Cependant, si les plus petites particules de poussière atteignent la stratosphère, elles peuvent perdurer des mois dans l’air et se disperser sur de plus grandes distances, générant un refroidissement dans de vastes zones. »

Ricardo Vásquez, spécialiste à la Direction météorologique chilienne (DMC)

Une situation géographique particulière

Situé dans la « Ceinture de feu » de l’océan Pacifique, zone où la rencontre des plaques tectoniques provoque une activité sismique élevée, le volcan Hunga Tonga – Hunga Ha’apai mesure environ 20 km de diamètre, pour 1 800 mètres de haut, essentiellement immergés. Il est « posé » au fond de l’océan, mais son cratère principal affleure au ras de l’eau, formant une île inhabitée. Lors de l’éruption, la remontée du magma vers la surface libère des gaz qui doivent « pousser » pour se frayer un chemin, créant un phénomène de surpression. La présence d’eau « aggrave la situation, car avec la chaleur, elle se transforme en vapeur et se détend, comme dans une cocotte-minute », selon Raphaël Grandin, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Il faut, par ailleurs, savoir que toutes les explosions volcaniques sont liées à cette décompression des gaz magmatiques.

Une image satellite de l’éruption de Hunga Tonga avec les restes du cyclone tropical Cody au sud-ouest tard le 15 janvier 2022.

« Quand ça se passe au fond de la mer, l’eau a tendance à étouffer l’activité. Quand ça se passe à l’air libre, les risques restent localisés. Mais quand ça se passe à fleur d’eau, ce n’est pas de chance, car c’est là que les risques de tsunami sont les plus élevés. »

Raphaël Grandin, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP)

Autrement dit, la profondeur n’était pas assez importante pour que la pression de l’eau amortisse l’explosion. Cette éruption a provoqué une énorme onde de pression qui a traversé la planète, se déplaçant à une vitesse supersonique d’environ 1 231 kilomètres par heure, selon l’Institut national néo-zélandais de recherche sur l’eau et l’atmosphère.

En réalité, des éruptions volcaniques colossales comme en Indonésie en 1883, au Guatemala en 1902, en Indonésie en 1963, au Mexique en 1982 et aux Philippines en 1991 peuvent avoir une influence en abaissant un peu la température moyenne de la planète mais de manière très ponctuelle. Il s’agit alors d’une très brève exception au sein d’une tendance au réchauffement climatique qui, au-delà de ces infimes variations, continue d’augmenter sous l’effet de l’activité humaine.