Aller au contenu

Sous Surveillance : Quand la fiction dévoile les dérives du numérique.

Sous Surveillance : Quand la fiction dévoile les dérives du numérique.

Sous Surveillance : Quand la fiction dévoile les dérives du numérique.

Le 21ᵉ siècle est celui des grandes avancées technologiques, avec le numérique et ses algorithmes en tête de liste. La question de la surveillance est devenue prépondérante car elle implique les données, la vie privée, les technologies de l’information. Un grand nombre d’œuvres littéraire, reflétant les préoccupations de leurs temps, se sont emparées de cette thématique, nous incitant alors à interroger nos pratiques numériques et leurs implications sociétales.

Des imaginaires inspirés des connaissances scientifiques et technologiques contemporaines

La collecte massive de données par les entreprises et les gouvernements, l’utilisation d’algorithmes pour personnaliser nos flux d’information et les réseaux sociaux qui nous enferment dans des bulles de filtres sont autant de signes d’une société de plus en plus surveillée et contrôlée.

Dans le roman Les Furtifs, Damasio évoque les dangers de la traçabilité dans un monde où règne la tyrannie de la transparence. À travers cette dystopie, l’auteur questionne l’idée de récupération des données, une problématique souvent questionnée dans nos sociétés actuelles. Certains passages résonnent particulièrement dans le contexte actuel : 

Quand j’ai parlé des degrés de liberté aux adolescents, ces degrés que le numérique leur a fait perdre par rapport à leurs grands-parents – anonymat des échanges, des courriers, des achats par exemple, liberté d’expression sans trace – ils ont commencé à mordre. Ça s’est senti aux regards, aux discussions parasites dans les travées, aux questions.

Couverture du livre Les Furtifs d’Alain Damasio, réalisée par Stéphanie Aparicio pour les éditions la Volte

Ainsi, la littérature de science-fiction, semble propice à l’exploration des dangers potentiels du numérique. Des œuvres comme Les Furtifs de Damasio ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury nous plongent dans des mondes dystopiques où la technologie est utilisée pour contrôler et manipuler les masses.

L’association entre progrès technologique et privation des libertés est le propre des dystopies techno-politiques à l’image de Fahrenheit 451.

Dans la société dépeinte par Bradbury, la technologie a un objectif majeur : occuper l’esprit des individus pour qu’ils ne puissent plus penser par eux-mêmes. Seule la façon d’utiliser la technique est inculquée aux enfants, car elle permet de faire fonctionner les machines. Ils n’apprennent finalement pas à comprendre les machines, mais seulement à les faire fonctionner :

Pourquoi apprendre quoi que ce soit quand il suffit d’appuyer sur des boutons, de faire fonctionner des commutateurs, de serrer des vis et des écrous ?”. – Fahrenheit 451, Bradbury

On assiste alors à des mécanismes de manipulation de masse, propres à assurer une docilité à toute épreuve de la population.

On retrouve cette idée de régression, non seulement technique, mais aussi sociale dans le roman La Servante écarlate de M.Atwood, publié en 1985, adapté au cinéma en 1990, puis ayant fait l’objet d’une série à succès à partir de 2017. L’action se déroule dans la République de Gilead, organisée autour de la surveillance et du contrôle : micros dans la rue, checkpoints et appareils d’identifications. La vie publique est ainsi organisée en fonction d’appareillages dont le but est de réguler qui peut voir et de quelle manière. Alors que le monde d’avant ressemble beaucoup au monde occidental de l’époque où Atwood a écrit son roman, marqué notamment par une phase d’informatisation de la société, les catastrophes écologiques se sont accompagnées d’un retour à un ordre social ancien. Les médias semblent arrêtés dans leur évolution, la publicité est interdite, l’informatique n’a été conservée que comme moyen d’identification et de fichage de la population, avant tout féminine. 

La fiction, une invitation à la réflexion critique

En imaginant l’envers de la libération, la littérature tente depuis toujours de représenter la surveillance pour mieux en rendre compte et la questionner. Dans ces mondes fictionnels, un trouble persiste parfois dans l’évaluation des idéologies mises en scène. En analysant ces œuvres avec distance et en les confrontant à notre réalité, nous pouvons mieux comprendre les enjeux de cette révolution technologique pour forger un avenir numérique qui respecte nos libertés et nos aspirations.

Bibliographie :

  • Damasio, R. Les Furtifs. Paris : Éditions La Volte, 2019.
  • Bradbury, R. Fahrenheit 451. Paris : Collection Folio SF (n° 3), Gallimard, 2000.
  • Atwood, M. The Handmaid’s Tale, Toronto, éd. McClelland & Stewart, 1985, 324 p.
  • Aim, O. Les Théories de la surveillance – Du panoptique aux Surveillance Studies. Paris : Éditions Armand Colin, 2020.