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Guerre en Ukraine : Les civils pris en étau

Guerre en Ukraine : Les civils pris en étau

Depuis plusieurs jours, les préoccupations de la guerre en Ukraine se concentrent sur la mise en place de couloirs humanitaires, long espace protégé que peuvent emprunter les personnes vulnérables menacées par un conflit. Ces derniers, les civils, sont notablement impacté par la guerre qui se mène. On vous explique le lourd quotidien de ces victimes de l’ombre qui ne sont pourtant pas toujours sur le front.

Des populations civiles prises au piège dans des villes bombardées, des destructions massives de quartiers résidentiels, des maternités transférées en sous-sol, l’eau et les communications coupées, la nourriture qui manque. Voici les conséquences de la tragédie insoutenable endurée par les Ukrainiens depuis l’invasion de leur pays par la Russie, le 24 février. Faute d’arrêt de l’offensive russe, l’urgence, cependant, est de permettre aux civils d’évacuer les zones de guerre.

Ces jours-ci, le principe de couloir humanitaire est discuté par Kiev et Moscou pour permettre l’évacuation des civils piégés dans les villes assiégées, comme Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine. Après un accord initial, jeudi dernier, le couloir de Marioupol s’est fracassé en raison du non respect de la part des troupes russes du cessez-le-feu. Samedi, puis à nouveau dimanche, le convoi a été empêché de partir. Alors que depuis lundi, la mise en place effective de ces corridors humanitaires, à Marioupol et ailleurs, était à nouveau au menu des discussions ukraino-russes, l’Ukraine et la Russie sont tombées d’accord sur un cessez-le-feu ce mercredi dans six zones d’Ukraine, permettant une véritable ouverture de ces fameux couloirs humanitaires. Des responsables ukrainiens ont néanmoins accusé l’armée russe de poursuivre ses frappes dans deux de ces zones, près de Marioupol et Volnovakha.

Exemple récent d’attaques russes contre les civils : ce mercredi, une clinique pour enfants a été bombardée par les forces russes à Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine. Les autorités ukrainiennes évoquent 17 adultes blessés, aucun enfant ne ferait parti des victimes. L’armée russe nie tout lien entre cette « accident » et son « opération ».

Couloirs humanitaires, un piège pour les civils ?

En effet, ces espaces censés permettre l’évacuation des civils et l’acheminement de vivres et de médicaments ne fonctionnent que rarement et peuvent se transformer en piège, alertent les ONG. A juste titre, dimanche, Emmanuel Macron avait appelé Vladimir Poutine à respecter le droit international sur le point fondamental de la protection des civils et de l’acheminement de l’aide, lors d’une conversation téléphonique, et avait demandé l’arrêt des bombardements. Le président russe rejette la faute sur les Ukrainiens auxquels il appartient selon lui de laisser la population sortir des villes.

Samedi 5 mars, puis dimanche, deux cessez-le-feu négociés pour permettre aux civils de fuir la ville portuaire de Marioupol, assiégée et pilonnée, ont été violés. Chaque fois, les bombardements ont repris au moment où les populations tentaient une sortie. Les points de rassemblement ont été visés, la plupart des bus qui devaient servir à l’évacuation détruits.

Depuis le début de la semaine, le ministère russe de la défense a désormais annoncé l’ouverture de plusieurs couloirs humanitaires et l’instauration de cessez-le-feu locaux afin d’évacuer des civils de la capitale ukrainienne, Kiev, ainsi que des villes de Kharkiv, Marioupol et Soumy, en proie à de violents combats. Ce couloir humanitaire en partance de Marioupol doit permettre une évacuation jusqu’à Zaporojie, à environ trois heures de route. Toutefois, les routes d’évacuation prévues par Moscou permettent seulement aux civils de quitter leur pays vers la Russie ou la Biélorussie, également occupée par les forces russes. Ces restrictions sont donc difficilement acceptables. Les civils auraient aussi, depuis peu, la possibilité de migrer dans des villes ukrainiennes plus en sécurité, au moment présent. Mardi soir, les autorités apprenaient que de premiers civils évacués via des couloirs humanitaires sont arrivés « en sécurité ».

Une catastrophe aux lourdes pertes

Dans la poursuite de ses objectifs proclamés, comme la « dénazification » de l’Ukraine, sa « neutralisation », Vladimir Poutine affiche le mépris de son régime pour la vie humaine, celle de ses troupes autant que celle des civils. La résistance des Ukrainiens ayant mis en échec sa stratégie initiale, le président russe est désormais engagé dans une guerre totale, dont les civils sont les premières victimes alors que même les centrales nucléaires ne paraissent pas à l’abri des opérations militaires. Aux destructions, au carnage, à l’exode, risque maintenant de s’ajouter une très gravissime catastrophe humanitaire.

La guerre poursuit sa triste course en Ukraine. Alors que lundi, près de 200 000 personnes étaient encore prises au piège à Marioupol, assiégée par les forces russes depuis 9 jours, le maire de la ville portuaire évoque, ce mercredi soir, un lourd bilan : 1 207 morts au sein-même de Marioupol. La majeure partie de la population de Marioupol dort désormais dans des abris afin d’échapper aux intenses bombardements menés par les forces russes qui ont également coupé la nourriture, l’eau, l’électricité et le chauffage, selon les autorités ukrainiennes.

Depuis le début de la guerre, au moins 474 civils ont été tués et 861 blessés, d’après le dernier décompte de l’Onu, qui souligne que ses bilans sont probablement très inférieurs à la réalité. Le secrétaire d’Etat américain a déclaré que les Etats-Unis disposaient d’informations très crédibles d’attaques délibérées contre des civils en Ukraine, des documents susceptibles d’étayer de potentielles enquêtes sur des crimes de guerre liés aux actions du Kremlin. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a, lui, averti les Russes qui commettraient des crimes contre des civils qu’ils finiraient par être punis.

« Il n’y aura plus de paix pour vous [criminels de guerre] sur cette terre, sauf dans votre tombe »

Volodymyr Zelensky lors d’une allocution télévisée

La violence qui déferle sur l’Ukraine évoque les conflits passé de l’armée russe et tout aussi meurtriers côté civils : en Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2000), se sont soldant par la destruction massive de la capitale, Grozny, ou encore durant la guerre civile en Syrie, en 2016, et le siège d’Alep au cours duquel l’aviation russe n’a pas hésité à bombarder des hôpitaux.

« Plus grave crise de réfugiés sur le continent »

La guerre déclenchée le 24 février a aussi provoqué « la crise des réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale », selon le Haut Commissaire de l’ONU aux Réfugiés (HCR) Filippo Grandi. Plus de 2 millions de personnes ont déjà fui pour se réfugier à l’étranger, essentiellement en Pologne, selon le HCR. L’Europe s’attend à recevoir cinq millions de réfugiés.

La cohue règne dans les gares des villes menacées par l’armée russe, femmes et enfants cherchant à partir après des adieux déchirants avec leurs maris et pères restant pour se battre. Cet exode suscite une forte mobilisation, notamment dans les Etats voisins comme la Moldavie où le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken se trouvait dimanche, après s’être rendu samedi en Pologne. La Moldavie, un des pays les plus pauvres d’Europe, par lequel 230.000 personnes venant d’Ukraine ont transité et dont 120.000 sont restées, a demandé de l’aide aux Etats-Unis qui ont annoncé vouloir mobiliser 2,75 milliards de dollars (2,51 milliards d’euros) pour cette crise humanitaire.

Crainte de prochains assauts

La chute de Marioupol serait un tournant dans l’invasion russe, lancée le 24 février. Elle permettrait la jonction entre les troupes en provenance de la Crimée annexée, qui ont déjà pris les ports clés de Berdiansk et de Kherson, et celles du Donbass. Ces forces consolidées pourraient ensuite remonter vers le centre et le nord de l’Ukraine. C’est désormais Odessa qui préoccupe le président ukrainien Volodymyr Zelensky, selon qui la Russie « se prépare à bombarder » ce port historique de près d’un million d’habitants sur la mer Noire, proche de la frontière moldave.

« Le plan de l’ennemi est d’encercler les villes clés et de créer une catastrophe humanitaire. »

Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien

Les Russes essayent maintenant de bloquer l’accès ukrainien à la mer Noire et à celle d’Azov, selon Oleksiy Danilov.

D’intenses combats ont aussi lieu dans la périphérie de la capitale, Kiev, selon l’administration régionale ukrainienne, notamment autour de la route menant vers Jytomyr (150 km à l’ouest de Kiev), ainsi qu’à Tcherniguiv (à 150 km au nord de la capitale) pilonnée depuis plusieurs jours par l’aviation russe et devenue un paysage de dévastation. Dans les faubourgs ouest de Kiev, à Irpine, les bombardements ont jeté sur les routes des milliers d’Ukrainiens. Kiev craint, chaque heure, un assaut terrestre des russes retardé par des problèmes de logistique et de rations en nourriture et carburant auxquels est confronté le convoi de chars de plusieurs dizaines de kilomètres de long et à l’arrêt depuis de nombreux jours.