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Zelensky : Le courage d’un comédien devenu chef de guerre

Zelensky : Le courage d’un comédien devenu chef de guerre

Massivement élu en 2019, Volodymyr Zelensky est l’incarnation d’un idéal progressiste pour son peuple, le président, comédien reconverti en politique, a vu sa popularité décliner. Jusqu’à ce 24 février, où il a frappé le monde entier par sa volonté de résister.

En quelques heures, l’homme âgé de 44 ans est devenu l’incarnation d’un peuple refusant de plier sous les assauts militaires de Vladimir Poutine. Jeudi soir, dans une première allocution télévisée, il apparaît vêtu d’un simple sweat-shirt vert militaire pour annoncer la mobilisation générale.

L’arme de la communication

Sur Twitter, qu’il utilisait déjà assiduement, il multiplie les messages en ukrainien comme en anglais pour communiquer sur ses conversations avec des dirigeant et exhorter les Ukrainiens à ne pas se rendre. Samedi, dans une vidéo également diffusée sur son compte Telegram, application très prisée de ses concitoyens, il se montre dans les rues de la capitale sans gilet pare-balles, afin de prouver qu’il n’est pas en fuite, contrairement aux rumeurs.

« Ne croyez pas aux ‘fakes’. Je suis ici. »

Volodymyr Zelensky

Ce conflit aux portes de l’Europe est suivi en direct sur les réseaux, alimentés par une multitude d’images, de vidéos et de témoignages. Le calme et la maîtrise du chef d’Etat deviennent une source de mèmes rediffusés en masse. Les canaux officiels de communication ukrainiens s’en servent à merveille. L’ambassade ukrainienne au Royaume-Uni ont révèlé que les Etats-Unis ont proposé à Volodymyr Zelensky de l’exfiltrer. « Le combat est ici. J’ai besoin de munitions, pas d’un transport », répond-il à Joe Biden. « Les Ukrainiens sont fiers de leur président », ajoute l’ambassade.

L’homme a toujours maîtrisé sa communication. Lors de son élection en avril 2019, il a récolté, à 41 ans, plus de 73% des suffrages face au sortant, l’oligarque Petro Poroshenko. Ce soir-là, il déclare dans un premier discours : « A tous les pays de l’espace post-soviétique. Regardez-nous. Tout est possible ». Dans la foulée, il dissout le parlement. Pendant sa campagne, le quadragénaire avait déjà bousculé les vieux codes en vigueur. Dans des vidéos, il appelle son opposant à un débat dans le stade de Kiev.

Quelques déboires

Il est jeune, dynamique, mais surtout très connu. Acteur comique, il a été la star de la série « Serviteur du peuple », une production diffusée entre 2015 et 2019 et regardée par quelque 20 millions de téléspectateurs dans le pays. La fiction relate la vie d’un professeur d’histoire qui devient président de l’Ukraine. Dès 2018, Volodymyr Zelensky se lance en politique en surfant sur sa notoriété. Il nomme son parti « Serviteur du peuple ». Le coeur de son programme se base notamment sur la fin à la corruption des élites. Mais la lutte contre la corruption s’avère plus complexe qu’annoncé. Il ne serait que la marionnette de l’oligarque Ihor Kolomoïsky et même de Vladimir Poutine, auquel ce russophone serait prêt à donner la gouvernance de l’Ukraine.

A l’international, il se fait connaître à l’été 2019 alors que le président américain Donald Trump l’appelle et insiste pour qu’une enquête soit lancée sur le fils de Joe Biden, ayant des affaires en Ukraine. Le président ukrainien se montre à l’écoute. Originaire d’une région russophone de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky tente par ailleurs en tant que président de trouver un terrain d’entente avec le président russe Vladimir Poutine, dans un premier temps. Mais les tentatives de dialogues échouent et face à la pression toujours plus forte du Kremlin, l’ex-comédien se montre plus ferme et change de stratégie. Dans un second temps, il se consacre plutôt sur les partenariats occidentaux en demandant une procédure accélérée d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à une procédure accélérée d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Des soutiens très mal perçus par Vladimir Poutine et qui n’ont fait qu’envenimer les relations entre la Russie et l’Ukraine.

Le 21 février dernier, alors que les troupes russes se pressent aux frontières, la rédactrice en chef du Kyiv Independent publie une tribune cinglante dans le New York Times sous le titre « Le comique devenu président est complètement dépassé ». Après des débuts prometteurs, « la réalité a démasqué un président tristement médiocre », assène-t-elle.

« Le problème, c’est la tendance qu’a M. Zelensky à tout traiter comme un show. Les apparences sont pour lui plus importantes que les conséquences. Et les objectifs stratégiques sont sacrifiés pour des bénéfices à court terme. »

Tribune dans le New York Times

Le président se montrerait également hypersensible à toute critique, selon la même tribune. Ainsi, sa popularité fut en chute libre, avec des sondages favorables à 25% des suffrages, bien loin du second tour de 2019. Ses déclarations étaient jugées trop rassurantes, et la question d’un manque de préparation pour la guerre émergeait.

« Chef de guerre »

Toutefois, il y a plus d’une semaine désormais, sentant l’attaque militaire arriver, Volodymyr Zelensky s’est montré très calme et déterminé. Mi-février, vêtu d’une tenue militaire à l’occasion de la « Journée de l’unité » qu’il avait décrétée, il déclare : « Nous n’avons pas peur des pronostics, nous n’avons peur de personne, d’aucun ennemi. Nous n’avons peur d’aucune date car nous nous défendrons ».

Le 24 février au soir de l’invasion, le plaidoyer vibrant, par visioconférence, du président ukrainien aurait frappé de nombreux politiques mais aussi le monde par son dévouement. Dans son adresse, Volodymyr Zelensky appelle ses interlocuteurs à réévaluer les ambitions européennes de son pays et à lui venir en aide. Avant de conclure qu’il s’agissait peut-être de la dernière fois qu’ils le voyaient en vie. Le ton de Zelensky s’est donc fait plus inquiet et martial. Après une journée de bombardements et de promesses de réactions sévères, Joe Biden prévient jeudi soir que l’Otan n’enverrait aucune troupe. L’homme de spectacle s’est mué en chef de guerre solitaire pour annoncer quelques heures plus tard la mobilisation générale.

Le quotidien britannique The Times révélait, lundi, que quelque 400 mercenaires, mandatés par la milice privée Wagner, dirigée par des proches du président russe, auraient été lâchés dans la capitale ukrainienne. Leur cible serait d’abattre le président et une vingtaine d’autres personnalités politiques. Volodymyr Zelensky illustre par sa décision de rester en Ukraine et mettre en danger ses jours, la preuve de son courage à la population. Désormais, certains voient même en Volodymyr Zelensky le digne successeur de Winston Churchill lors de la Seconde Guerre mondiale. Un sang-froid que beaucoup de chefs d’État lui reconnaissent également. Emmanuel Macron a régulièrement son homologue ukrainien au bout du fil et l’a même reçu avant que l’homme de spectacle devienne chef d’État. Selon Le Parisien, un ministre français le décrit comme « très accessible, très humain ».

Il s’agit parfois d’un président agacé et aux abois qui appelle les Européens à se réveiller : « Comment allez-vous vous-mêmes voudéfendre si vous êtes si lents à aider l’Ukraine ?, a-t-il lancé aux Européens. Si vous avez une expérience du combat (…) vous pouvez venir dans notre pays pour défendre l’Europe. »

Ainsi, le destin hors du commun de Volodymyr Zelensky, passé de comédien à chef de guerre, démontre une fois encore une réalité qui dépasse la fiction. Le président ukrainien n’avait certainement pas prévu de faire la guerre à la Russie lorsqu’il présente sa candidature en 2018 pour devenir président de l’Ukraine. En seulement trois ans, Volodymyr Zelensky est passé de « clown », selon ses propres mots, à chef d’État, écouté par les puissants du monde et opposé à Vladimir Poutine dans le plus grave conflit entre Occident et Russie depuis la Seconde Guerre mondiale.