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Gouvernement Barnier : pourquoi ces choix et quels risques à l’Assemblée ?

Gouvernement Barnier : pourquoi ces choix et quels risques à l’Assemblée ?

Gouvernement Barnier : pourquoi ces choix et quels risques à l’Assemblée ?

Ce samedi 21 septembre, les membres du gouvernement ont été officiellement annoncés, avec 39 ministres dont 19 de plein exercice. Ce gouvernement a mis 15 jours avant d’être nommé, afin d’éviter au maximum la censure. Cependant, rien n’est encore sûr pour le gouvernement Barnier, si le Nouveau Front Populaire ne semble pas présenter de menace, la décision du Rassemblement Nation risque d’être décisive.

Un unique représentant pour la gauche

Le gouvernement annoncé ce samedi semble plus à droite que le précédent, et ce choix résulte de réflexions afin de trouver les équilibres nécessaires pour avoir un gouvernement stable.

A gauche, la seule personnalité nommée au gouvernement est Didier Migaud, un ex-socialiste qui avait décidé de se retirer de la vie politique en 2010. Ancien président de la cour des comptes et de la haute autorité pour la transparence de la vie publique, il est désormais nommé au poste de Ministre de la Justice. Il s’agit d’un des ministères les plus importants, dit régalien. Cependant, cette personnalité ne correspond pas au Nouveau Front Populaire, qui compte plus de 190 députés. Le gouvernement de Michel Barnier ne souhaitant pas intégrer le Nouveau Front Populaire, il a pourtant essayé de porter l’un de ses membres à Matignon. La nomination de Didier Migauda en réalité pour objectif d’attirer quelques socialistes opposés au Nouveau Front Populaire, et d’éviter des divisions au sein du bloc central, dont l’aile gauche aurait pu se sentir oubliée.

Roland Lescure, ancien ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, représentant de l’aile gauche du camp macroniste, estime que le gouvernement « ne reflète pas le résultat des législatives ». La gauche est, en effet, très peu représentée dans ce gouvernement, même si la nomination de Didier Migaud a pour objectif d’éviter les divisions dans le camp présidentiel, et de s’attirer la sympathie de quelques socialistes. Pour l’instant, le bloc central ne s’est pas scindé en deux, mais les socialistes opposés au Nouveau Front Populaire ne sont pas convaincus par cette unique nomination d’une personnalité de gauche.

Un gouvernement essentiellement du camp présidentiel

Le bloc central, lui, s’est taillé la plus grande part de ce gouvernement. Sur les 39 ministres, 22 sont issus des rangs du camp présidentiel et de ses alliés, 12 des 19 ministres de plein exercice sont notamment du bloc central. Le camp présidentiel a négocié, longuement, avec Michel Barnier, afin d’obtenir cette composition. Michel Barnier s’était vu refuser une première liste par Emmanuel Macron, le président expliquant qu’il ne s’agissait pas « d’un gouvernement de rassemblement », car, selon lui, il y avait un nombre trop important de ministres issus des Républicains.

Par la suite, Michel Barnier a convoqué les chefs des différents partis pour se mettre d’accord sur le poids politique de chaque groupe dans le gouvernement. C’est Gabriel Attal, qui représentait le bloc central, qui a réussi à s’imposer dans ces discussions. Le gouvernement est donc majoritairement composé de ministres issus du camp présidentiel. Cela a pour objectif de pouvoir suivre une politique soutenue par les députés du bloc central. Cependant, dans le contexte actuel, les membres issus de ce bloc ne peuvent pas rallier de députés de gauche, d’autant plus qu’ils sont plutôt issus de l’aile droite du camp présidentiel. Ainsi, le bloc central est majoritaire dans ce gouvernement, et va permettre de conserver le soutien des 166 députés Ensemble à l’Assemblée Nationale.

Un virage à droite pour éviter la censure

La droite sort elle grande gagnante de cet épisode politique. Tout d’abord, le Président a choisi de nommer Michel Barnier au poste de premier ministre afin de s’attirer le soutien du groupe Républicain à l’Assemblée Nationale, qui compte 41 membres. Michel Barnier est connu pour ses qualités de négociateur, comme il l’a prouvé pendant le Brexit, et est donc une figure capable de rassembler. Par ailleurs, le RN ne s’oppose pas directement à lui, mais explique attendre le « discours de politique générale » avant de se prononcer sur une éventuelle censure. Ainsi, seul le Nouveau Front Populaire propose de censurer directement le gouvernement Barnier.

Dans le gouvernement, on retrouve 10 ministres issus des Républicains, dont 4 de plein exercice. Par rapport à leur nombre de députés, le parti réussit tout de même à se faire entendre et à s’élever à des postes importants, comme au Ministère de l’Intérieur. Ce dernier poste, attribué à Bruno Retailleau, a pour objectif d’éviter la censure du Rassemblement National. En effet, Bruno Retailleau tient des positions assez dures concernant l’immigration et la sécurité, qui pourraient convenir au groupe de Marine Le Pen. Ainsi, ce gouvernement comporte de nombreux ministres Les Républicains, permettant d’élargir le soutien au gouvernement. Par ailleurs, les 5 ministres divers droite, dont 2 de plein exercice, permettent aussi cet élargissement, et sont pour la plupart d’anciens membres des Républicains.

Ainsi, le gouvernement nommé samedi tient compte des équilibres politiques présents à l’Assemblée Nationale. Il rassemble le camp présidentiel et la droite républicaine, ce qui fait, en tout, 213 députés. Le gouvernement peut potentiellement éviter la censure du Rassemblement National, et Le Nouveau Front Populaire, ne pourra pas, à lui tout seul, faire tomber le gouvernement Barnier. Cependant, avec une majorité seulement relative à l’Assemblée, les mesures voulues par le gouvernement risquent de ne pas être votées à l’Assemblée Nationale, ou de nécessiter des modifications importantes.

Que peut-on espérer pour l’avenir ?

Pour comprendre ce qu’il pourrait se passer à l’avenir pour ce gouvernement, il est important de se pencher sur les réactions du Nouveau Front Populaire, et du Rassemblement National. Le NFP avait déjà annoncé qu’il allait censurer le gouvernement de Michel Barnier, et cet appel a été réitéré samedi soir. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste, a par exemple tweeté :

Jean-Luc Mélenchon, le leader insoumis, a lui posté sur X ce message :

Ainsi, le Nouveau Front Populaire confirme sa volonté de censurer le gouvernement, et déposera sans doute très rapidement une motion de censure.

Les représentants du Rassemblement National, eux aussi, se sont exprimés. Jordan Bardella, président du parti, a expliqué sur X :

Cette réaction étonne, car la dernière phrase peut faire penser à un souhait de censure du gouvernement, alors que les représentants du Rassemblement National avaient expliqué attendre le discours de politique générale. Marine Le Pen, la présidente des députés du parti, a elle écrit sur X :

Ce message est plus modéré que celui de Jordan Bardella, et appelle à la préparation de la prochaine élection présidentielle, ou de la prochaine élection législative. Il s’agit de l’objectif clairement affiché par le Rassemblement National depuis les dernières élections.

Une décision clé pour le Rassemblement National

Ainsi, pour le moment, la censure du gouvernement ne peut pas aboutir, car il faut que 289 députés votent pour. Les députés du Nouveau Front Populaire sont au nombre de 193. Même s’ils sont rejoints par quelques députés divers ou LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), cela ne suffirait pas à faire passer une motion de censure. En revanche, après le discours de politique générale, deux scénarios sont possibles. Si le Rassemblement National considère que la politique du gouvernement, notamment migratoire et sécuritaire, correspond à ses attentes, alors ils ne censureront pas ce gouvernement, qui pourrait rester en place de manière stable.

A l’inverse, si la politique ne leur convient pas, ils pourraient se joindre aux députés du Nouveau Front Populaire afin de voter une motion de censure. Si le Nouveau Front Populaire ainsi que le Rassemblement National et ses alliés votent dans le même sens, le gouvernement tomberait, car la majorité serait largement atteinte, avec 335 députés favorables. Il faudrait alors à nouveau trouver un nouveau premier ministre et former un nouveau gouvernement. La situation n’en n’est pas encore là, et il va falloir attendre le mardi 1er octobre, jour du discours de politique générale, pour connaître la position du Rassemblement National, qui a le pouvoir de faire tomber ou non le gouvernement.